Dimanche 8 septembre 2013
Guerre en Syrie ?
L'actualité est lourde sur
"le sujet syrien": les déclarations graves se succèdent.
Certains se lâchent, les analyses sont reprises en copier/coller par
la presse... toutes dans sens de l'humanitaire, du méchant dictateur
qui tire sur son peuple... Sur les vrais enjeux, on ne sait pas grand
chose, l'opinion publique ne suit pas, ne dit rien ce qui fait que
les grands média croient que la population les croit.
Le
matraquage médiatique anti Assad est tel que je doute que les grands
partis (hors FN) osent se départir ou nuancer les propos rabâchées
par les médias. J’ai en tête le triste souvenir de la crise
post-électorale en Côte d'ivoire en 2011
(http://www.yzonka.net/cote-ivoire2011.html).
Un bilan sur cette affaire ivoirienne serait pour le coup nécessaire,
on pourrait aussi se souvenir de la Libye, mais non on suit de
nouveau benoîtement la presse qui nous ressasse les bonnes
intentions : de l'ONU, de la France, des US, ... le couplet sur
les droits de l'homme.... A peu de chose près, la presse reprend
pour la Syrie ce qu'elle nous a rabâché sur la Libye et sur la
crise post
électorale ivoirienne.
Pourtant, en Côte d'Ivoire devenue démocratique
depuis 2011, aucun des
massacreurs et autres com'zones (commandant de zone de 2002 à avril
2011) pro-Ouattara/Soro qui tenaient le nord de la Côte d'Ivoire
depuis 2002 n'a été jugé (sources : Amnesty, Human Rights
Watch...).
Toutefois,
les média ne peuvent pas tout taire. Samedi 31 août 2013,
aux infos TV : « à
Londres des
manifestations contre
une éventuelle intervention militaire de l'OTAN et des
forces associées (les
mêmes qu'en Libye) » ont
été présentées. Selon un récent sondage paru lui
aussi le même jour, environ
2/3 des Français seraient contre une intervention militaire. Serait
ce que les gens "gobent"
moins ce qu'on leur
raconte. J'ai aussi
relevé que le FN s'exprime activement
contre une intervention militaire avec des arguments tout à fait
pertinents (www.frontnational.com).
Ainsi, un des effets collatéraux de
cette guerre est en France, la création d'affinités
favorables pour ce que le FN
exprime à ce sujet. C'est évidemment regrettable. Ce
parti est fourre tout,
n'est pas clair, il rassemble des frustrés en tout genre, pour
beaucoup à juste
titre, des ultra-libertaires (star du porno) aux royalistes, des
cathos intégristes aux acteurs(trices) pornos, des opportunistes
....
Telle qu'on nous la présente, une intervention
militaire en Syrie serait tout à la fois, une punition à l'égard
du régime d'Assad et une mesure à
même de l'affaiblir significativement. Punition ou action pour
renverser ce régime, il faut choisir ! Dans ce type d'action,
c'est souvent le peuple qui reçoit. Cette
intervention n'aurait bien entendu que des motivations humanitaires.
Elle viserait avant tout à épargner le peuble Syrien
des agissements d’un régime dictatorial odieux. Seulement
si c'est pour remplacer une dictature
par une autre
qui appliquerait la volonté d'Alah, les motivations humanitaires et
de démocratisation ne sont
pas crédibles. En effet, si le régime Syrien tombe, ce sera les
"rebelles" les plus violents, déterminés, armés
et aidés qui s'empareront du
pouvoir, c'est à dire les islamistes. Il y aura alors le risques
d'une impitoyable "épuration",
sans compter la certitude sur le type de régime que ces
démocratiques "rebelles" appuyés par les US et l'Arabie
Saoudite mettront en place, sans compter aussi le risque que ces
rebelles deviennent hors de contrôle, ça c'est déjà produit en
Afganistan et en Libye.
L'usage de l'arme chimique contre
les populations est bien évidemment un crime abominable. Il nous
revient de l’empêcher.
Le problème est que l'on ne sait toujours pas vraiment qui a utilisé
dernièrement cette arme à Damas, des mensonges ou des manipulations
sont possibles de toutes parts. Quoi qu'il en soit, à qui profite le
crime ? On sait que l'ONU n'est ni exemplaire, ni infaillible en
matière de vérité, elle peut se tromper, elle peut être trompée,
comme mentir, comme affadir la vérité ou passer sous silence des
choses pour raisons diplomatiques...
Effectivement le
régime syrien est de longue date un régime où les droits de
l'homme sont gravement malmenés. Effectivement c'est un régime
"fort", nationaliste plus ou moins dictatorial et
inamovible. Mais pourquoi en est-il ainsi ? Le goût de la
force, la soif du pouvoir, les intérêts financiers de quelques
uns... oui probablement, comme partout. Il reste que ces explications
classiques se conjuguent à une histoire, à une géographie et un
contexte qu' il faut rappeler. :..
La Syrie est issue de la décolonisation en 1946, son territoire a été successivement colonisé par les Turcs puis par les Anglais et les Français. À la décolonisation il y a eu comme ailleurs, des problèmes de tracé de frontières, notamment au Nord-Ouest avec la Turquie, la séparation avec le Liban, les Kurde toujours sans territoire géré par eux mêmes... On sait aussi que les ressentiments post-colonisation peuvent persister longtemps.
La Syrie est multiconfessionnelle : sunnite, chiite, chrétienne, athée... avec des tendances et/ou origine diverses parmi les sunnites (les Kurdes, les non Kurdes...), les chiites (chiite classique, allaouites..), les Chrétiens (ex-arméniens, maronites, catholiques...). On sait aussi que tous les régimes pro-sunnites tendent à laminer les autres religions, il n'y a qu'à voir les vexations et les crimes commis à l'égard des Chrétiens coptes en Égypte, les répressions à Baryein, la répression des chiites en Arabie Saoudite ... Il est bien compréhensibles que les importantes minorités chiites, chrétiennes... et que les modérés sunnites aient peur. En lien avec cette remarque, il faut aussi rappeler que la Turquie, comme bon nombre de Turcs, est toujours négationniste vis-à-vis du génocide des populations chrétiennes arméniennes (1915-1916, 1.2 millions de morts) et est nostalgique de l'Empire Ottoman.
La Syrie a une longue frontière avec l'Irak et n'est qu'à 200 km de l'Iran. Or, ces deux derniers pays ont subis récemment des abominables guerres provoquées par les occidentaux sous la coupe des US (guerre Iran/Irak, les 2 guerres d'Irak, les pressions sur l'Iran actuel). L'Arabie de la famille Saoud, dite Arabie Saoudite, n'est qu'à un peu plus d'une centaine de kilomètres de la frontière syrienne.
La Syrie est "travaillée" par des mouvements extrémistes religieux ou simplement mafieux ou crapuleux (Al Quaïda, des groupes salafistes ...) prêts à mettre en œuvre une "stratégie de la tension" consistant à créer un climat d'insécurité (attentats, assassinats, atteintes aux biens économiques...) et d’exaspération de façon à engendrer le cycle : bavures policières, discrédit du pouvoir, répression, usure des nerfs. Ces groupes religieux ou crapuleux ou plus ou moins les deux à la fois, s’ils volent, rackettent et trafiquent (drogues, armes, recels..), c’est pour la cause, sont appuyés par les dictatures "théocratiques" du coin : Arabie Saoudite, Qatar... à l'exception de l'Iran qui a d'autres alliances. Les USA n'ont jamais hésité à utiliser ce genre de groupes extrémistes ou crapuleux pour liquider : l'opposition qui ne lui plaisait pas, les mouvements indépendantistes (communistes ou pas, mais qualifiés comme tels), les US l'ont notamment fait en Afganistan, en Italie avec la mafia, au Japon avec les yakuzas après la guerre ... et même en France où la crapulerie a aussi été utilisée pour réduire l’opposition communiste et asseoir un système.
La Syrie est non seulement en froid avec la Turquie du fait du passé colonial turc, mais aussi du fait du problème de l'eau, les Turcs souhaitant se réserver l'eau des rivières qui s'écoulent des montagnes en Turquie vers la Syrie, du fait aussi que la Turquie représente une puissance militaire qui serait menaçante. Les prétentions turcs sont bien sûr soutenue par l’OTAN.
La Syrie est aussi un pays dont une partie du territoire, le Golan a été annexé militairement par les Israélien en 1967. L'ONU a condamné cette annexion israélienne ; le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle ne s'est pas acharnée.
La Syrie pourraient permettre sur son territoire l'établissement de pipe-line de pétrole et de pipe-line de gaz pour écouler les productions d'Irak, d'Arabie Saoudite, d'Iran, du Qatar...ces pipe-line peuvent rapporter des fortunes.
La Syrie dispose de très importants gisements off shore de gaz et disposerait aussi de gisements importants de pétrole.
La Syrie est un pays éduqué où les femmes ont une situation tout autre que dans les royautés musulmanes du coin : Arabie de la famille Saoud, Jordanie...
Bref, la Syrie est
une petite-grande puissance potentielle. Si ce contexte syrien était
le notre, la France pourrait elle être une démocratie normale, n'y
développerait-on pas un fort sentiment nationaliste, ne
réserverait-on pas une place importante à l'armée, à une police
secrète intérieure, le gouvernement ne serait-il méfiant vis-à-vis
d'une certaine opposition prétendant agir
au nom de Dieu ou de la liberté ?
Dans les manifestations en 2011 juste avant la guerre, les mouvements sincèrement et réellement pro-démocratiques ont vite été submergés par les adeptes de la violence et de la déstabilisation armées. Ces adeptes de la violence ont été très vite et très fortement armés, par qui ? Ainsi, qu'un régime, un pays qui a de fortes raisons d'être "sur ses gardes" ne respecte pas les droits de l'homme, ça ce comprend, ça n'excuse pas tout pour autant.
Il reste que le régime
syrien en place a commis la faute morale et politique de n'avoir pas
davantage ouvert politiquement son pays,
de n'avoir pas assez lutté contre la corruption, les avantages
injustifiés, l’usage excessif de la violence et de la répression.…
Une telle ouverture l'aurait davantage "immunisé" contre
le conspirationnisme sur base religieuse sunnite
et aurait limité le mécontentement de la population. Mais, il n'est
pas trop tard pour bien faire. En tout cas, ce n'est ni avec la
guerre, ni avec une révolution incertaine qu'on avance sur ces
sujets.
Il
est aussi vrai que l'argument de la "troisièmes
colonnes" ou
du "ver dans le
fruit" sert et
a servi en Syrie comme ailleurs à casser les mouvements
authentiquement progressistes et démocratiques, sert à concentrer
le pouvoir, à maintenir des dictatures dont des hiérarques, hauts
gradés militaires, affairistes, tirent les ficelles. C'est vrai
aussi que des stratégies de la tension menée par des "troisième
colonnes " ou
par des groupes criminels, genre : GIA en Algérie, Al Quaïda,
les coupeurs de routes en Côte d'Ivoire sont très efficaces et
usantes pour les régimes qui y sont confrontés et que ces
stratégies ne peuvent être combattues sans
"bavures"
et sans "services
spéciaux".
J'estime donc un peu simple de stigmatiser sommairement le régime syrien tel qu'on le fait. Serait ce que l'Arabie Saoudite, le Qatar,...les Émirats Arabes Unis, soient exemplaires. Dans ces pays, les droits de l'homme, surtout ceux de la femme, y sont scandaleusement bafoués, les droits de la nombreuse main d’œuvre étrangère, surtout la moins qualifiée composée de Népalais, Pakistanais, Philippins,... y sont criminellement négligés. Ainsi, la guerre pour défendre « les droits de l'homme » en Syrie est un mensonge et une ineptie.
Sur les stocks d'armes
chimiques en Syrie, comme si les USA et même la France, ne
disposaient pas d'armes tout aussi meurtrières, mais nous, on est
éthique.
Enfin, sur la sincérité de l'argument
humanitaire avancé par les USA, il faut se rappeler que les USA (et
non l'Amérique) ont massivement
utilisé et sans aucun regret,
l'arme chimique au Vietnam (1954-1975) aux fins de terroriser les
populations et de compromettre le développement futur de ce pays.
L'agent
orange utilisé
tue encore et rend invalides des
milliers de nouveaux nés (pollution avec des effets
génétiques). Aucun
criminel de guerre US n'a été jugé.
Plus récemment, les obus à
l'uranium appauvri très largement utilisés dans les guerres d'Irak
pour percer les blindage génèrent des pollutions mortelles
auxquelles seront soumises pendant des siècles la population
irakienne. En outre, en quoi l'usage d'armes chimiques contre des
combattants serait plus un crime que l’usage de grosses bombes au
phosphore ou au napalm ? en quoi l'usage généralisé de
boucliers humains ou la prise en otage de la population comme le font
les « rebelles syriens»
qui se planquent parmi la
population et qui tient QG dans des écoles, dans les hôpitaux
serait conforme aux "lois
de la guerre"?
…. en quoi la guerre la guerre électronique, les tirs tout
confort depuis des drones pilotés à distance à partir salles de
contrôle aux US par
des soldats qui ne prennent aucun risque et qui font des barbecue le
soir avec leur famille et copains une fois leur journée de travail
terminée, est-elle admissible ?
La démocratie et la paix ne s’instaurent pas de cette façon et avec des raisonnement aussi courts que ceux que l'on nous assène.
Dans ce qu'on nous raconte sur la Syrie, je relève aussi les grandes caractéristiques de la propagandes de guerre :
la maîtrise quasi totale de l'information et de la désinformation ( "la première victime de la guerre, c'est la vérité" : W. Churchill),
la diabolisation de l'adversaire jusqu'au ridicule, jusqu'à l'incohérence, jusqu'à la contradiction,
l'isolement médiatique et social des septiques, contester cette diabolisation, c'est risquer l'isolement social (discrédit, pas de boulot...) ou politique,
le rabâchage inlassable des bons sentiments, du sens humanitaire,
la négation des intérêts économiques,
la négation ou le silence sur les intérêts géostratégiques, sauf de ceux de nos adversaires directs ou indirects,
l'optimisme béat sur nos capacités à l'emporter (retour au 1, à la maîtrise de l'information, à la propagande)
Pour avancer vers la paix, pour notre intérêt également, la reconnaissance du régime Syrien en place en tant que représentant légitime de ce pays est indispensable. La reconnaissance d'une partie de "la rébellion", me semble également indispensable, mais pas en tant que représentant officiel de la Syrie. Fabius et Hollande sont allés beaucoup trop vite et loin sur ce sujet, il y avait des formes intermédiaires à trouver.
Étant donné, les dégâts engendré et l’impasse actuelle, notre honneur serait de dignement rechercher une solution politique avec le régime d'Assad, de faire en sorte que les opposants présentables au régime soient épargnés et puissent avoir dans le futur, un rôle politique. Ce serait également notre intérêt de renouer au fil du temps, dans l’immédiat c’est impossible, des relations normales avec les Syriens et avec les Iraniens... ces deux pays sont les plus à même d’évoluer à court terme vers des formes de démocratie et d’humanité qui nous sont proches.
Nous devons aussi cesser d'entretenir des bonnes relations, des relations pour l'argent, avec des régimes doctrinaires théocratiques rétrogrades tels que ceux du golf persique qui soutiennent des mouvements intégristes infâmes au Mali, au Nigeria (Bocco Haram), en Afganistan, qui sont infâmes avec les femmes... Ce soutien n'a pas de sens, si ce n'est l'expression d'une dépendance économique, si ce n'est la crainte du pouvoir financier de ces pays sur le jeu mondialisé de la finance qu'on accepte en l'état. A quoi rime l'embargo sur Cuba, s'il n'y a pas embargo sur l'Arabie Saoudite, sur le Qatar...
La façon dont on joue ce
jeu doit
faire l'objet d'un débat politique.
Daniel
BOBILLIER
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Autres liens :
- Biais d'opinion, lecture des médias, situation en Côte d'Ivoire en janvier 2011
- Logement et mobilité résidentielle (Very big problem)
- Un peu d’architecture au Maroc
- Sensualité publique et inversion de genre au parc de la Tête d'Or à Lyon